Ça n’arrive pas souvent. Si vous êtes entrepreneur, la vente de votre organisation est une activité unique, sinon rarissime. Heureusement, car elle est fort complexe.
Au cours de ma carrière, j’ai coaché une dizaine d’entrepreneurs en processus de relève et de vente, parfois à leur enfant ou un neveu, souvent à une personne de confiance. Les enjeux légaux et fiscaux viennent rapidement à l’esprit. Une foule d’experts de bon calibre vous prêteront main-forte. Cela ne diminue pas la complexité, mais le recours aux spécialistes permet de la prendre en charge sans trop de souci.
Il y a cependant un enjeu qui troublera votre sommeil et il est profondément humain. Pendant tout le processus de relève, la délicate relation du cédant avec le releveur sera sur la sellette, de même que votre perception de vous-même dans le futur qui s’annonce. Et sur ces deux plans, il n’y a malheureusement pas de solutions toutes faites.
La relation avec le releveur
La pression est grande. Le montant de la transaction est colossal. La banque veut des garanties. La négociation avec le releveur porte sur une foule de détails. Chaque refus, chaque insatisfaction met en jeu une relation de filialité ou de confiance que l’on veut préserver. Il faut refuser la clause « X » du contrat ou argumenter pour un taux d’intérêt plus élevé. Il faut parfois y mettre de la conviction, mais sans blesser l’autre, car demain, cédant et releveur devront travailler ensemble. Et malgré une bonne entente, il arrive qu’au fil de la négociation ce soient les professionnels au dossier – comptables, fiscalistes et avocats – qui se dressent les uns contre les autres. Les solutions demeurent dans le dialogue et la nécessité de ne pas précipiter les choses.
La perception de soi du cédant
Le releveur est un entrepreneur en herbe. Il a parfois le tournis s’il en est à sa première transaction, mais généralement, il est enthousiaste face aux responsabilités qui s’annoncent. Pour le cédant, entrepreneur de longue date, il en va autrement. Il amorce une étape de sa vie pour laquelle il est rarement préparé. Il a toujours cumulé les principales responsabilités, il doit maintenant regarder le releveur prendre les décisions et l’encourager, même si elles ne vont pas dans le sens qu’il aurait choisi et même s’il est en désaccord. Il lui faut comprendre qu’il passe de PDG à coach.
Pire encore, cette étape est pour lui « contre-culturelle ». Il a toujours été occupé et sollicité de toutes parts et il amorce maintenant une période où il doit s’effacer. Le temps s’étirera. Il ne sera pas immédiatement confortable avec ce nouveau rythme. S’installe alors le doute sur la qualité de la transaction, sur sa confiance en sa relève et sur sa propre utilité puisque l’entreprise semble bien fonctionner après tout. Les semaines passeront en montagne russe.
J’en parle avec les cédants que j’accompagne. J’en parle avec davantage de compétence aujourd’hui puisque je suis moi-même dans une démarche de faire place à une relève. Et la compétence en la matière ne me permet pas d’éviter ces hauts et ces bas. Cédant et releveur traverseront pourtant cette période avec sérénité, du moins la plupart d’entre eux. Et ce sera aussi mon cas, j’en suis convaincu, car… ainsi va la vie!
Yves Boulet, MBA CRHA n’arrive pas souvent. Si vous êtes entrepreneur, la vente de votre organisation est une activité unique, sinon rarissime. Heureusement, car elle est fort complexe.
Fondateur d’AXXIO