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La vaccination en entreprise : seulement une question légale ?


Le passeport vaccinal et la vaccination obligatoire en entreprise sont définitivement deux sujets chauds cet automne. Comme employeur, vous avez peut-être déjà entendu vos employés se positionner avec vigueur : « si mon employeur m’oblige à me faire vacciner, je vais démissionner ! Si mon collègue n’est pas vacciné, je ne veux pas aller travailler où être à côté de lui ! » Vous avez peut-être même entendu un de vos clients vous interpeller sur la question : « si votre employé n’est pas vacciné, je ne veux pas qu’il vienne à mon domicile pour effectuer des travaux. »

Selon un sondage Léger mené en septembre 2021 pour le compte de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, 70 % des travailleurs craignent de travailler près d’un collègue non vacciné. Quel casse-tête, n’est-ce pas ?

Gardons en tête que nous composons avec l’humain, avec ses émotions, ses perceptions, ses croyances et celles-ci influencent assurément nos comportements, pour le meilleur et pour le pire. Pour chacun d’entre nous, c’est la première fois que nous faisons face à une telle situation. Dans ce contexte de nouveauté, il peut être difficile d’y voir clair.

L’aspect légal, vers un critère de décision clair pour obliger la vaccination en entreprise ?

Le ministre Jean Boulet et le premier ministre François Legault, questionnés en conférence de presse le 1er septembre 2021, ont remis entre les mains des organisations le droit d’obliger la vaccination en entreprise. Un véritable casse-tête pour les professionnels RH, les gestionnaires et les dirigeants. La vaccination obligatoire sera d’ailleurs en vigueur dans le secteur de la santé à partir du 15 octobre 2021, sous peine de suspension sans solde. Cette décision a été prise en considérant le facteur de vulnérabilité de la clientèle.

Avant de vous lancer dans l’obligation à la vaccination dans votre milieu de travail, voici quelques éléments à considérer. Deux lois sont ici pertinentes pour mieux apprécier la question : la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Charte des droits et libertés de la personne. Et on y remarque un conflit potentiel entre l’obligation de l’employeur de protéger le milieu de travail et le droit des employés à la vie privée et à l’intégrité physique. Pour respecter son obligation de protéger la santé, la sécurité et l’intégrité de ses employés, l’employeur doit, par des mesures préventives, éliminer les risques à la source (LSST, art. 2). L’employeur doit qualifier le risque, en effectuant une analyse, en déterminant la nature du risque (réel, perception, peur). Cette analyse se fait de la façon suivante, soit identifier le risque, le qualifier et mettre en place les mesures pour enrayer le risque. On retrouve 3 niveaux pour prévenir un risque en matière de prévention de la santé et sécurité au travail.

  1. Enrayer le risque à la source lorsque possible
  2. Mettre une protection (EPI) entre le danger et le travailleur
  3. Mettre en place des procédures, des mesures ou des méthodes de travail pour diminuer le risque

C’est donc dans cet esprit que l’entreprise doit déterminer si l’obligation à la vaccination est justifiée dans son milieu de travail. Et c’est un critère qui tend à s’imposer pour justifier la vaccination en entreprise, c’est-à-dire l’exigence professionnelle justifiée.

L’employeur doit démontrer que cette norme est rationnellement et raisonnablement nécessaire à l’exécution des fonctions essentielles du poste, c’est-à-dire qu’il n’a pas imposé des critères arbitraires qui vont au-delà des exigences requises par l’emploi et qui, par conséquent, excluraient certaines catégories de personnes. Puis, il doit démontrer qu’il ne pouvait déroger à la norme sans qu’il en résulte une contrainte excessive, que cette contrainte revête la forme d’une impossibilité, d’un risque grave ou d’un coût exorbitant.

C’est donc dire que si l’entreprise est en mesure de démontrer la contrainte excessive au niveau de la gestion de ses opérations, par exemple un ingénieur qui doit voyager à l’extérieur du pays et qu’aucune mesure alternative n’est possible, la vaccination pourra être envisageable, mais attention, cette option n’est pas sans risque.

Par une telle mesure, l’entreprise s’expose tout de même à des possibilités de poursuite judiciaire. Le fardeau de la preuve sera entre les mains de l’employeur. L’obligation de se faire vacciner constituerait une intrusion à laquelle certains employés pourraient s’opposer, pour des motifs religieux ou autres. Pour la même raison, un employeur pourrait difficilement exiger qu’une personne se fasse vacciner avant de l’embaucher ou lui demander en entrevue si elle a reçu ou souhaite recevoir le vaccin. Aborder ce sujet relèverait, selon Me Karine Fournier (CRIA et avocate associée au cabinet Fasken), de l’ingérence dans une décision médicale personnelle. L’employeur pourrait alors être accusé d’avoir refusé un emploi à un candidat à cause d’un choix protégé par la Charte ; il s’exposerait ainsi à des recours devant la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. L’obligation à la vaccination doit donc être vue comme étant le dernier recours. Avant d’imposer cette mesure, nous recommandons aux employeurs d’examiner les mesures alternatives disponibles comme l’accommodement ou la réaffectation lorsque possible.

Donc encourager avant de contraindre. Vous pourriez être tentés de stimuler la vaccination dans vos équipes par des incitatifs. Selon certains experts en droit du travail dont Me Fournier, il n’est pas recommandé d’offrir une prime salariale ou un congé supplémentaire aux employés qui acceptent de se faire vacciner. « Ce genre de programme pourrait être considéré comme discriminatoire envers les employés qui refusent la vaccination pour des raisons protégées par la Charte », dit-elle. Mieux vaut se limiter à des campagnes de sensibilisation, comme l’organisation de cliniques de vaccination sur les lieux de travail.

Au-delà de l’aspect légal, prendre soin du climat

La meilleure approche à l’heure actuelle demeure donc la sensibilisation, en informant le personnel sur la vaccination. N’oublions pas que la pandémie a considérablement bouleversé nos vies. Elle a généré du stress, de la crainte et de la détresse dans nos milieux de travail. Le climat de travail s’est bien souvent dégradé, étiolé dans bon nombre d’équipes durant la dernière année. La polarisation du débat entourant la vaccination est un autre phénomène potentiellement dommageable pour le climat de travail au sein de nos équipes.

C’est pourquoi le débat entourant la vaccination n’est pas que légal, il est avant tout humain. AXXIO vous suggère quelques actions en lien avec la vaccination afin de le préserver ou d’améliorer le climat de travail dans vos organisations :

  • Éviter de stigmatiser ou d’isoler volontairement les non-vaccinés dans votre organisation par vos actions ou vos prises de parole ;
  • Prévenez les conflits à la source en faisant la promotion du respect entre employés sur la question de la vaccination ;
  • Favorisez, lorsque possible, le télétravail pour tous ;
  • Annoncez à vos employés à l’avance les activités sociales (party de Noël par exemple) qui pourraient demander le passeport vaccinal pour y participer. Prévoyez tout de même une petite attention pour ceux qui ne pourront s’y présenter ;
  • Ne tolérez aucun comportement agressif ou désobligeant envers les personnes non vaccinées ou vice-versa.

Nos équipes, maintenant plus que jamais, ont besoin de se sentir liées les unes aux autres. Travaillons en ce sens dans tous nos milieux de travail.